Article de Cécile Couturier pour l'Echo du Parc n°85 (novembre 2020)
C’est une forêt publique de 45 hectares nommée le Bois du Pourras. Au Sud, elle longe un champ. Dans cette longue lisière, à côté de gros chênes et de frênes, on voit quelques ronciers, de l’aubépine et des prunelliers. Y vivent le geai, le pic ou la mésange. À côté, en été, il y a des fleurs sauvages, centaurée ou millepertuis, une foule de papillons et d’abeilles sauvages.
Le Parc a repéré le site en 2018, lors de l’élaboration du
Plan paysage et biodiversité (PPB) de la Forêt de Rambouillet. Un programme d’actions concrètes à mettre en oeuvre sur le territoire, une sorte de feuille de route partagée par les différents acteurs publics, pour valoriser et renforcer le paysage et la biodiversité. Il y a cet objectif : « valoriser les rôles écologiques et paysagers des lisières ». Par exemple, en transformant les bordures rectilignes en lisières épaisses et « étagées », c’est-à-dire représentant les différentes strates de végétations depuis l’herbe jusqu’au boisement .
« Les zones de rencontre entre deux milieux sont les plus riches en termes de biodiversité, explique Olivier Marchal, chargé d’études environnement au Parc.
En densifiant une lisière, on crée des couloirs de végétations différents et des niches écologiques plus variées. Des animaux qui ne fréquentent ni les sous-bois, ni les champs, par exemple, vont pouvoir trouver des habitats ou circuler. » Un enjeu inestimable pour limiter l’effondrement en cours de la biodiversité.
La limite inférieure du Bois du Pourras se prête parfaitement à un tel projet : elle est ensoleillée, longue de 1,8 km et des arbustes jouent déjà les intermédiaires entre les hauts fûts et le plancher des vaches. Justement, l’Office national des forêts (ONF), qui gère le terrain, a prévu d’y faire des travaux : il doit couper des arbres pour aménager une zone de stockage et dégager le sentier voisin. Alors pourquoi ne pas profiter de ces aménagements pour repenser tout le linéaire en lisière étagée.
« Nous avons trouvé intéressant d’améliorer la valeur environnementale du milieu, en plus de notre besoin initial de gestion, raconte Thomas Bran, responsable de l’Unité territoriale de Rambouillet à l’ONF. Cela nous permet aussi, à tous, d’augmenter nos savoir-faire et compétences. » En 2019, les deux acteurs s’engagent à mener ensemble ce projet, inédit en Île-de-France. Tout est décidé en commun. L’ONF adapte ses coupes aux objectifs identifiés avec le Parc ; celui-ci apporte une aide de 14 700 € pour aider l’ONF à assumer le surcoût lié à l’opération (près de 19 000 €).
Un entretien minutieux
Si un tel « design » de lisière est nouveau, la méthode l’est aussi. Elle rompt avec nos modes classiques de gestion des espaces naturels, où chacun gère son terrain : le forestier son bois, le producteur son champ, la commune son entrée
de ville… Là, les acteurs sont partenaires, et bien décidés à avancer ensemble. D’autant que le travail ne s’arrête pas à la création de la lisière : la gestion courante changera aussi. L’ONF devra par exemple couper différemment, de manière plus ciblée, si besoin venir entretenir une zone destinée à rester en herbe, ponctuellement broyer quelques zones de buissons pour les renouveler. l’ensemble du projet, au-delà des travaux initiaux demandera un entretien régulier.
La nouvelle lisière plus fournie, s’installera progressivement les premières années, à partir des espèces déjà existantes. Alors un premier bilan pourra être fait : présence des strates, espèces animales et végétales qui s’y seront installées, … mais aussi changement dans le paysage depuis le champ voisin. « Nous viendrons aussi régulièrement prendre des photos pour visualiser l’évolution du milieu et son impact sur le paysage, » ajoute Marion Doubre, chargée de mission paysage au Parc. Ensuite, l’expérience pourra être reproduite ailleurs, dans le Parc ou dans la région… Bientôt un foisonnement de lisières touffues ?
Un chantier en quatre étapes
Pour s’accorder sur les travaux à mener, les équipes du PNR et de l’ONF ont d’abord passé deux jours, l’an dernier, à « scanner » la zone : 20 mètres de large et 1800 m de long, soit 3,6 hectares. Le Parc a apporté son expertise sur la végétation (espèces, formes…) à privilégier. « Pas besoin d’ajouter des choses et de planter, souligne Olivier Marchal, chargé d’études environnement. On travaille avec ce qui existe, en favorisant ce qui nous intéresse. » Les coupes des arbres à exploiter prévues par l’ONF, ont eu lieu à la fi n de l’été. Puis le travail de structuration des premiers rangs de la lisière pourra commencer fi n novembre : un « jardinage » de précision, essentiellement manuel, pour tailler, dégager, ouvrir des trouées… « Nous allons aussi créer trois mares qui limiteront les problèmes de ruissellement, en absorbant le trop-plein des eaux de pluie dans la lisière. »